« La Renaissance 2 » tempera sur toile de 5 mètres x 3 (détail) R. Dumoux © viapictura.com
Dans un premier article sur la Renaissance, il est apparu que cette époque fut le triomphe de l’humanisme à partir duquel s’est construit rationnellement le monde.
D’autres aspects antinomiques semblent controverser complètement cette vision du 16 ème siècle.
L’observation de la Nature se consacre aussi aux phénomènes les plus extraordinaires. Il s’agit de prendre en considération toutes les productions de la Natura Naturans, la Nature créatrice dans sa toute puissance.
On perd la notion du centre du monde et c’est la dispersion de l’homme; c’est le règne de l’incertitude.
Selon Montaigne, » le Monde est une branloire pérenne. »
Les manifestations exceptionnelles de la nature sont observées.
Chaos, violences, donnent à voir des paysages abstraits, des rochers informes, des concrétions et montagnes volcaniques fumantes.
Ces paysages chaotiques sont évocateurs de figures monstrueuses et grotesques.
Apparaissent des chutes d’anges rebelles, des damnations de formes humaines ébauchées, sous le regard de géants. Ces figures semblent rapiécées de divers membres, sans ordre ni proportions et à l’aspect hasardeux, incertain.
Des montagnes du Caucase aux champignons atomiques, la Géenne rend obsolète le canon de Vitruve.
Historiquement, il s’agit d’une période de désordres; c’est le sac de Rome et en général une crise de société.
En correspondance à cet esprit trouble on s’intéresse aux curiosa, aux rariosa, curiosités de la nature. Les cabinets de curiosités vont s’enrichir, se développer considérablement. On pose la question des possibilités de l’art et celles de la représentation de la Beauté. (Un article sera consacré ultérieurement aux cabinets de curiosités au cours de l’histoire.)
On pense à Arcimboldo et aux collections de Rodolphe 2 de Habsbourg, qui à elles seules sont symboliques de cet aspect de la Renaissance.
Au delà de ces collections fantastiques, les humains se dispersent alentour selon des combats aux figures disproportionnées ou monstrueuses.
A l’aide de ces diverses notations et références, une composition picturale a pu être réalisée.
-Une montagne énorme constitue la toile de fond avec ses cascades de rochers et une esquisse de volcan en éruption.
-Dans un plan plus rapproché, des rochers étranges prennent des formes humaines qui s’agglutinent.
-Tout près de là, c’est l’écroulement d’un temple dans les flammes alors que se précipitent au sol deux anges rebelles. L’un d’eux achève sa chute au tout premier
plan.
-A droite du tableau, un Géant, sorte de cyclope, fustige des silhouettes humaines
disproportionnées et difformes.
-Au centre de l’image, une embarcation sur une mer déchaînée amorce une sorte de traversée des Enfers telle la barque de Charon. Ce bateau est menacé par un énorme nuage noir.
-Enfin dernier symbole: le carré représentant les études anatomiques de Léonard de Vinci est très chahuté et sur le point d’être englouti, alors que précédemment il était l’élément déterminant de la pensée de la Renaissance.
L’énumération de tous ces aspects antinomiques de la Renaissance classique permet de situer un climat et de saisir des images expressives et fantastiques qui s’imposent à l’imagination. C’est la toute puissance de la Nature Créatrice qui domine l’homme, minimise son rôle et sa taille.
On imagine alors les tableaux de Albrecht Altdorfer(1480- 1538) qui accorda une grande place aux paysages minutieusement peints. Chez ce peintre nous découvrons par exemple des arbres gigantesques auprès desquels l’homme parait minuscule, ou bien encore des batailles où les pauvres humains apparaissent comme de menus insectes.
R.DUMOUX