A propos de la Photographie

Image à la une : Hippolyte Bayard (1801-1887) Autoportrait en Noyé 1840

A propos de la photographie… et de la peinture

La photographie a presque deux siècles et elle semble vivre une grande mutation dans sa production et sa diffusion.

       Il est toujours intéressant de revenir même brièvement sur son histoire : 3 ans après sa 1ére photo Nicéphore Niepce s’associe à Louis Daguerre pour mettre au point un procédé commercialisable pour tous. il faudra ensuite 10 ans pour que  le principe du daguerréotype épreuve sur plaque de métal soit reconnu en 1839, grâce à Arago. L’état va acquérir le brevet et l’offrir au monde.

        Mais un inconnu est floué : Hippolyte Bayard. Il avait fait des recherches et obtenu des images positives sur papier dès 1839. Or il voit ce procédé reconnu par l’institution en faveur de Daguerre alors que lui est ignoré.
Alors il se photographie en noyé :  comme s’il se noyait parce que tout fut donné à Daguerre. Cette image est la 1ére fiction mise en scène. L’image est utilisée comme une preuve d’un fait qui en réalité est faux. La photo déjà est ce qui fait image.

  C’est à dire que, maintenant, l’on peut manipuler, faire des trucages. Ainsi il y eut les marines de Gustave Le Gray présentées au Salon de 1859. (Il était chargé de relever sites et monuments en France) Dans ses marines le ciel et la mer sont équivalents, comme sur le même plan : il s’agit d’un trucage c’est à dire d’un montage précis de 2 négatifs successifs, l’un pour le ciel, l’autre pour les vagues. Suite à un grand succès il en fait des centaines. C’est aussi un scandale car on y voit une manipulation.

Legray
Gustave Le Gray (1820-1884) Marine

On comprend que le trucage est consubstantiel à la photo, inhérent à son procédé. Le réel de la photo prime sur le réel lui même dès les débuts du procédé. Depuis Hippolyte Bayard jusqu’ à Le Gray on use de jeux complexes. Et tout cela on le retrouve aujourd’hui avec les portables, Ipad ou Internet.
Dans le photo journalisme, les reporters retouchent la lumière et les détails des clichés à l’aide de Photohop pour que la réalité soit plus saisissante. Finalement ce n’est plus la pureté de la réalité mais une production qui est retouchée, modifiée donc trompeuse. Bill Brandt faisait des retouches manuelles.

                         La photo a t-elle été un jour authentique ? A t-elle été pure une fois?

         L’objectif n’est pas là pour représenter le réel exactement. Il passe aussi par la fiction. Ce sont alors des documents qui ne sont pas réels, des allures de documents..
D’autre part avec les nouvelles  technologies, l’analogique a cédé la place au numérique. Des appareils non-photographiques prennent des photos et les diffusent : les téléphones portables et les ordinateurs. Et il y a des glissements d’un appareil à un autre avec les photos et vidéos qui se mêlent. Tout se communique d’un ordinateur à un autre , d’un écran aux email ou à des dossiers. Tout se mêle  et il n’y plus de distinctions précises. A l’image du monde actuel, ces images sont un flux permanent, une circulation incessante. C’est un monde nouveau qui ne cesse de s’enregistrer, de se diffuser pour s’enregistrer encore, pour se démultiplier. Les images se multiplient, se modifient, sont retouchées, dans ce flux elles sont aussi agrandies. Elles sont un tourbillon d’instants du monde, un vertige de kaléidoscope.
Une certaine confusion, un manque de clarté se dégage de ce discours au sujet de la photo. C’est aussi en raison du caractère des présentations qui sont faites. Car il s’agit encore d’un kaléidoscope où tout se fusionne, tout se truque et se mélange. La vision du monde est trouble.  Il semble difficile de voir clair, de trouver un ordre qui organise. Le seul repère pour le spectateur égaré, demeure souvent la cote de l’œuvre, l’argent . Et finalement la solution est de se tourner vers des figures peintes telle les portraits du Fayoum qui paraissent profondément vivantes, humaines et pures.

          Pour se faire une idée de ce vertige, imaginons au contraire les images crées par la peinture, imaginons un vrai portrait en peinture, regardons Vermeer ou Rembrandt. Nous éprouvons d’emblée un calme, un apaisement suite à cette inquiétude affolante. David Hockney a eu des mots très positifs à ce propos. Il dit par exemple: « aussi bonne soit une photo , elle ne hante pas à la manière d’une peinture. Un peinture recèle des ambiguïtés dont on ne peut jamais venir à bout. C’est pourquoi la peinture est si prenante. »
        

La peinture aura toujours une supériorité  sur la photo : le Temps. Car la peinture est une juxtaposition d’instants, ce qui fait sa profondeur, son ambiguité. Et souvent l’Idée que la photo est la plus éclatante illustration de la réalité peut sembler périmée.

          Nombreux sont ceux qui soutiennent que la main d’un artiste n’a pas d’intérêt! ! Maintenant, en effet, la main est souvent absente. Cependant elle restera toujours concernée et en dessinant on apprend à regarder. L’art est l’histoire de la main.
La question du portrait en photo pose un problème quant à la vérité, à l’objectivité de la personne représentée. Le vrai portrait semble s’être perdu au 19ème avec la photo.
Le portrait en photo a trop l’apparence d’une preuve matérielle, d’une inquisition. Avec la peinture, le portrait peint choisit, élève, donne une réponse. La photo établit une identité du moment alors que le portrait dessiné ou peint a plus de pouvoir. Le portrait peint est unique, précieux et entretient le feu d’une passion, alors que la photo est trop diverse, trop précise, tellement que l’on ne reconnait pas la personne dans des clichés successifs.

Le pouvoir d’attraction du portrait peint ou dessiné ne se mesure pas à son degré de ressemblance mais à des questions sensibles plus secrètes et intérieures. Le portrait peint est transfiguration, il offre une promesse au delà de la banalité courante.

Un portrait peint est-il peu ressemblant ou bien un détail est-il trop petit? Il reste que la ressemblance existe , elle est intérieure, attachante . Le portrait peint traduit étrangement les  qualités profondes du modèle. De toute façon le modèle finira par ressembler à ce portrait. Finalement  la photo semble mettre en scène, truquer et trahir la réalité.

R.Dumoux
www.viapictura.com

Art et Magie (art. 2)

Image à la une : tableau d’Augustin Lesage, peintre médium

Quelques exemples des rapports entre art et magie :

        – Des artistes du 20éme jouent les médiums.
Peintures, photos hantées, écrits visionnaires manifestent de signes et des correspondances avec les mondes parallèles.
Augustin Lesage était un peintre, mage et prophète.

        – En photographie, dès les début, on capte des fantasmes pour voir l’invisible et on veut communiquer avec la présence d’êtres chers disparus.
Dans les portraits de Frédérik Hudson on voit le portrait d’une femme avec dans les fonds en demi teinte l’apparition de son mari mort.

        – Dans les années 60 on fait écho à la conquête spatiale  et vers 1970, Julius Koller imagine une signalétique en forme d’anneaux de Moebius adressés aux extraterrestres.
Un groupe psychédélique Secret Machines donne un concert pour les extraterrestres, à Marfa (ville de  Judd ) connue pour ses luminescences mystérieuses et ses phénomènes naturels inexpliqués et attribués aux ovnis.

        – En 2006, par télépathie une médium américaine est entrée en contact avec John Lennon. Il lui révéla qu’il apparaîtrait bientôt dans une galerie (la galerie Metropictures à New-York ) en donnant les paroles d’une chanson. Gianni Motti va en récupérer le texte de la chanson.

        – Les artistes minimalistes et les conceptuels s’intéressent à cette question de la magie et utilisent cette pratique mentale pour dé-matérialiser l’oeuvre d’art. Ils  produisent ainsi des pensées qui ne peuvent être transmises ni par le langage ni par l’image.

– Certains artistes réalisent des pièces sous hypnose. Tel  Matt Mullican vers 1990

– L’artiste Gastaldon réalise des dessins de paysages, des sculptures en tricot, des films d’animation qui renvoient à une vision écologique et cosmogonique. Elle utilise des signes ésotériques, mystiques ou oniriques et traverse des champs de savoirs sacrés. Son totem est une grande sculpture en laine et broderie dont la présence magnétise.


 

Ce courant hanté de l’art magique touche à toutes les esthétiques, à tous les mouvements, de l’abstrait au figuratif, du pop au conceptuel, et prend souvent sa source dans la science et il a sa racine dans les croyances populaires ou occultes.

            Cependant, cette intervention du mental est souvent négligée, passée sous silence : on occulte l’intervention des fantasmes, des croyances de toutes origines dans la création des artistes.

Dans les créations artistiques, les fantasmes et croyances se révèlent.
Surtout peut être dans le domaine négligé de la peinture. Art contemporain parfois rejeté des grandes expositions.

La peinture semble cependant un médium très adapté pour permettre l’épanchement de tout ce qui touche à la magie, au mystère et à la trans-communication.

Toutes les grandes œuvres peintes du passé sont là pour nous le rappeler.
Le Verbe s’est fait chair.

C’est le mystère de l’incarnation de la pensée par la peinture.

R.Dumoux
www.viapictura.com