Historique du Vitrail

Image à la une : Visage du Christ : peinture sur verre de Raymond Dumoux – Église du XIXème s. de Saint-Eusèbe (Bourgogne)

 

Ce texte est mis en ligne à l’occasion d’une exposition de mes maquettes et cartons de vitraux dans une église romane (l’église romane de Mont Saint Vincent Bourgogne, France) 

Présentation historique mais aussi destinée à la mise en évidence de cette architecture et en vue de compléter sa restauration.

 

HISTORIQUE DU VITRAIL

Le verre existe naturellement depuis des milliers d’années. L’homme l’utilisa pour tailler des têtes d’obsidienne à partir de pierres volcaniques. Puis il y eut les légendes parlant de marchands phéniciens, faisant cuire leurs aliments sur des blocs de natron, qui ont remarqué une substance visqueuse. A la suite de cela les égyptiens ont découvert le verre en faisant fondre le natron et le sable.

– En fait le verre fut utilisé à partir du 6ème siècle pour les vitraux surtout en France. Il faut donc remonter aux origines de l’ère chrétienne pour trouver les premières expressions de ce mode d’expression artistique. Néanmoins on ne peut préciser une date exacte de la naissance du vitrail.
Il y a un rapport dans l’apparence entre le vitrail et la mosaïque, cette dernière technique amenant les artisans au vitrail. Les fragments de vitraux les plus anciens représentent un visage de Christ du 9ème au 10ème siècle.

– L’âge d’or du vitrail sera au moment de l’avènement de l’architecture gothique. Les grandes verrières des cathédrales devient des immenses tentures de lumières. Les verrières constituent un livre d’images mais sont aussi une lumière spirituelle, un rayonnement céleste. Cet art se déploie de la France à l’Angleterre, à la Suisse et à l’Allemagne puis en Italie ou en Espagne.
A partir du 12ème on voit apparaître le verre en grisaille. Le verre est maintenant légèrement coloré contrairement au vitrail précédent, très coloré. Cette couleur de grisaille très utilisée en Angleterre, met l’accent sur le dessin.

– Puis au 14ème siècle apparait le jaune à l’argent. Ce fut une évolution qui a ouvert de nouveaux horizons et a apporté une lumière d’or dans le vitrail. La légende raconte qu’un ouvrier a perdu un bouton d’argent de sa tunique sur un morceau de verre, avant de le mettre au four. Après cuisson, le verre avait pris une coloration jaune. Après cela on put doser la quantité d’argent, d’oxyde d’argent, pour obtenir différents nuances de jaune à l’argent.

– Une autre innovation apparut : la technique du verre plaqué ou doublé. Cela consiste à couler sur la feuille de verre en fusion une couche d’une autre couleur. Ce sont alors deux couleurs transparentes qui se superposent. Cette trouvaille extraordinaire a permis de nos jours l’emploi de grands verres colorés et dégradés aux effets merveilleux comme dans les vitraux de Chagall.
Par exemple sur une feuille en fusion de jaune on coule une couche de rouge plus ou moins saturé. Ainsi on obtiendra une feuille de verre dégradé du jaune à l’orangé puis au rouge selon les effets de transparence , de la même façon qu’en peinture avec la technique des glacis. C’est un verre plaqué de rouge sur jaune et de même on peut créer  du rouge sur bleu.
Ainsi s’est créé peu à peu et enrichit le grand art du vitrail.

– Le vitrail se meurt à la Renaissance et surtout avec la Réforme. A la Renaissance on détruit des vitraux représentant des miracles et des scènes jugées idolâtres ou de superstition. Et dans une Europe déchirée entre catholicisme et protestantisme le vitrail est en passe de disparaître. Détruit par les guerres et les négligences le vitrail n’inspire plus.

– Au 19ème les artistes de l’art nouveau ont travaillé les courbes autour de la femme et de la plante. Les verriers travaillaient dans ce sens en s’inspirant aussi du Japonisme. Un artiste important à ce moment est Louis Confort Tiffany : il produit des oeuvres d’une richesse exceptionnelle dans la matière de ses lampes et aussi dans ses verrières importantes comme à Montréal, ville où il a beaucoup travaillé.

– Le  20ème siècle fera du vitrail un élément essentiel de la construction avec de nouveaux procédés. L’utilisation d’un verre coloré épais de 25 mm et inclus dans le béton est la technique de la dalle de verre. Ce sont alors de véritables murailles de couleur, des compositions abstraites impressionnantes qui s’adaptent aussi aux architectures civiles. Ces vitraux sont produits par certains artistes tel Fernand Léger.
En général les artistes comme Léger Matisse ou Le Corbusier ont beaucoup donné pour les églises ou autres architectures. Et Chagall dans des réalisations en verre à l’antique a réalisé des vitraux faits de verre dégradés et peints à la grisaille.

– Enfin diverses techniques furent improvisées : collage de verres colorés sur verre, sans sertissage au plomb. On applique parfois de l’or ou bien on mélange verre et plastique.
Le peintre Kim En Joong a en particulier réalisé les vitraux de la nouvelle cathédrale d’Ivry. Ces vitraux sont des verres assemblés au plomb selon la technique traditionnelle. Mais les verres sont peints à l’aide de pigments d’émail qui mêlés à un liant donne après cuisson, un aspect d’aquarelle. (la cuisson se fait également à 650°). L’aspect général abstrait lyrique est très lumineux.

Dans cette exposition, à Mont Saint Vincent (Bourgogne, France), les vitraux présentés se rapportent à la technique pure du vitrail à l’antique , fait de verres à vitrail de couleur, assemblés au plomb pour créer des formes et mouvements colorés et peints à la grisaille.

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cliquer sur l’image ci dessous pour voir les vitraux de Raymond Dumoux.

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A propos de la couleur : John Cage

Plusieurs articles ont été publié précédemment  en rapport avec cette question de la couleur dans l’art et selon les civilisations ou époques historiques.

           Cette question se rapporte au débat dessin couleur :
c’est un vieux débat qui a opposé Michel Ange et Titien, David et Delacroix ou encore Lebrun ou encore maintenant Rothko et Pollock, comme si avec Pollock il n’y avait pas de couleur, comme si chez Lebrun à Versailles il n’y avait pas de couleur (alors que les restaurations récentes de Versailles ont fait découvrir un Lebrun grand coloriste à l’égal de Poussin et très inspiré par Titien.)

          En général il s’agit de simplification ou l’on oppose volontairement la ligne et la couleur, comme matière et esprit, corps et idée, intelligence et affectivité.


 Ce sont de vieux clivages et John Cage s’interroge sur ces questions dans son livre « Couleur et Culture ».
D’emblée John Cage traite la couleur comme un tout : pigments et symbolique sont indissolublement liés.
Cage relie le passé à notre présent le plus actuel, les Grecs au Bauhaus.

         Il observe qu’Ingres a une palette bien à lui et un chromatisme très personnel.

         Selon Cage, les Grecs nous disaient le sens qu’ils accordaient à leur couleur et ainsi ils reliaient expression colorée et esprit.

        Toutes les civilisations anciennes renseignent sur les codes expressifs de la couleur:
– Par exemple à Babylone le bleu désigne le masculin et le rouge le féminin.
– En Chine, le Yin c’est le Noir, principe féminin et le Yang, c’est le rouge  principe vital masculin.
– Chez les Romains, le pourpre désigne le pouvoir alors que en Chine c’est le jaune qui symbolise l’empereur.

– Mais à partir de la Renaissance, on a idéalisé les composantes d’une œuvre, on les a isolés.
Contrairement à l’Antiquité on a imposé une distinction entre couleur et intelligence  et on a donné au dessin le rôle du mental, du signe et de la supériorité.

– L‘époque moderne continue dans le sens de cette schématisation. On continue de classer les couleurs, on fait des schématisations et on exclut.


           Devant ce dilemne et pour y voir clair, il faut se référer aux civilisations antiques et envisager la recherche de significations essentielles attribuées aux couleurs.

Mon travail pictural et en particulier dans les procédés a tempéra semble éviter l’exclusion entre dessin et couleur.

En effet dessin et couleur y semble étroitement imbriqués et fusionnent en harmonie grâce à la transparence de la couleur qui  recouvre plus ou moins le trait et semble se jouer du dessin.

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La technique de la Grisaille

Image à la une : « l’Asie » (détail) – Tempera sur panneau en grisaille – 80 x 60 cm – R. Dumoux ©viapictura

 

Cet article est un complément, un additif à un texte déjà publié à propos du Monochrome.

Cela sera aussi l’occasion de présenter certains de mes  panneaux a tempéra.


Le terme de grisaille n’apparaît qu’au 17ème siècle dans une lettre de Peiresc à Rubens. Mais la technique est utilisée depuis longtemps et en particulier depuis le 15éme siècle.

Sur les volets de triptyques, des figures de saints sont peintes en grisaille et sont parfois des chefs d’œuvre de perfection de lumière et de dessin, comme les grisailles de Grünewald, du maître de Moulins ou de Hugo van der Goes.
Ces grisailles sont aussi comme des imitations de sculptures avec leur couleur de pierre ou de bronze : elles sont des trompe-l’œil dans la lignée de Zeuxis.

– Outre la réalisation de triptyques et retables le procédé de la grisaille sert parfois d’esquisse préparatoire. Cela apparaît avec Rubens.
Il s’agit là d’une 1ère pensée, d’un jet spontané..
Particulièrement aux 17 et 18ème siècles, les grisailles sont des esquisses à l’huile, préparatoires pour de grands tableaux. A la manière des Modelli ou des Bozetti.
(Une différence : les Modelli sont déjà très aboutis alors que les Bozetti restent à l’état d’ébauche comme des croquis enlevés dans le style de Rubens.)

– Autre utilisation des Grisailles : elles sont aussi des 1ères pensées pour des gravures.
Dans la seconde moitié du 17ème on publie des thèses et il faut des frontispices : il s’agit d’une dédicace sous forme d’allégorie (de l’auteur à son protecteur).
Le projet pour créer une  gravure de frontispice est réalisé en grisaille par un peintre.
C’est pourquoi les grisailles préparatoires aux gravures sont toujours plus travaillées et méticuleuses. et ont un aspect de gravure.

Dans la vie sociale et culturelle des villes universitaires, les soutenances de thèses occupent une place importante.  Comme une affiche elles présentent une image ornée d’illustrations dont les dimensions varient de 80 cm à 1 mètre.
Par exemple Le Brun, assura sa réputation par le biais des frontispices des thèses.
Ses peintures étant ensuite gravées pour la thèse.

Mais aussi au 17ème siècle certains artistes  travaillent la grisaille pour elle-même.
Par exemple Adrien van de Venne peint de petits tableaux sur bois illustrant des Proverbes.
C’est surtout à partir du 19ème que les attraits de la grisaille et du camaïeu sont très appréciés et utilisés.
Carpeaux, Daumier (Don Quichotte) ou encore Gustave Moreau (Diomède) utiliseront le procédé de la grisaille pour lui-même.

Au 20ème siècle cet attrait pour la grisaille ou le camaïeu se poursuit dans la pratique du monochrome qui a une importance essentielle dans l’art moderne et  contemporain, de Rodtchenko à Yves Klein.

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dumoux-grisaille1Détail d’un panneau décoratif – Tempera sur panneau en grisaille – 120 x 30 cm – R. Dumoux ©viapictura

Expressionnisme abstrait

Image à la une : Georges Mathieu : L’abduction d’Henri IV par l’archevêque Anno de Cologne

Expressionnisme abstrait
Action painting
97063781_resize480GÉNIE Number 7, 1949 Huile et émail sur masonite (122 x 244 cm), de Jackson Pollock

A Bâle, de Janvier à mai 2008, la Fondation Beyeler présente l’expressionnisme abstrait américain.

Jackson Pollock est l’image emblématique de l’abstraction à New-York dès les 1ères années de l’après-guerre.
Un livre : Harold Rosenberg publie en 1952 :  » The Américan Action Painters »
Il fait la promotion de Pollock, de de Kooning, de Franz Kline.

C’est la création du concept d‘ACTION-PAINTING

Sur la toile il se passe autre chose que des faits ou des images mais une Action et on célèbre l’activité de performance de l’artiste qui produit un exploit physique qui demande un effort vital, existentiel, une énergie en prolongement de la vie.
La distinction entre art et vie est supprimée : c’est la fusion entre ces deux termes dans la ligne  de la philosophie existentialiste.


 

Cette façon de peindre s’est développé un peu partout dans le monde.

De Pollock  à Gorky, à Matta ou Wolls.
Selon les diverses techniques mises en oeuvre, il s’agit de All Over, Dripping ou Pouring.
Dans tous les cas c’est une peinture gestuelle, c’est l’action painting : dans la photo de Hans Namuth, Pollock est en action au dessus de sa toile.
C’est l‘influence des surréalistes dans les  années 40 à New-York qui a provoqué la naissance de cette peinture américaine. (on se souvient d’un tableau de Max Ernst, le vol d’une mouche…non euclidien et aussi des écritures automatiques de Masson.)


 

Les artistes ont tous des procédés et gestes techniques différents.

Frankenthaler déverse la peinture sur la toile : c’est le « pouring » qui permet d’imprégner la toile  et obtenir ainsi un effet de teinture particulier.

– Franz Kline, à l’aide d’un balai recouvre ses tableaux de zébrures noires.

– Au Japon, Shiraga (du groupe Gutaï) créa une peinture performante.
« Lutter dans la boue » Il s’adonne d’abord à une méditation avant de travailler la couleur avec ses pieds.

De Kooning relève plus d’une gestuelle expressionniste. (il a débuté avec ses « women » impressionnantes.)

– Les toiles les plus récentes de Joan Mitchell sont la fusion de la peinture et de la nature, au cœur de la création.

En Europe, Wolls et Fautrier produisent une écriture griffée… .
A la suite, en France toujours, Georges Mathieu créa l’abstraction lyrique dans des performances physiques où il développa une calligraphie gestuelle opposée au formalisme géométrique du moment.


 

Ce survol de l’expressionnisme abstrait, de l’abstraction gestuel (all over, dripping pouring..) permet de remarquer les grandes figures de ce mouvement pictural.
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Cependant une question se pose :  il est très rare de voir citer le nom de Georges Mathieu, bien que l’on nomme facilement Wolls ou Fautrier. Pourquoi cette absence?

En effet Mathieu semble une figure importante, le créateur de l’abstraction lyrique.

Il a créé des événements, des performances dans ses toiles célèbres et immenses de batailles. De même sa calligraphie, peut être proche de l’art Asiatique, est d’une inspiration lyrique absolue.
Enfin on a connu de lui ses affiches pour Air France ou les graphismes de ses monnaies comme de ses céramiques.

 Pourquoi ce silence entourant le nom de Mathieu ?


Note sur Pollock

Il mêle peinture abstraite et  performance physique proche de la danse.
Pollock a abandonné la recherche de la forme traditionnelle pour aller vers l’informe.
De plus il se met en jeu : l’écriture automatique utilisant le hasard prend un sens nouveau, une dimension existentielle et spatiale.
La toile étant au sol il marche, danse autour des 4 côtés imitant en cela la pratique des indiens de l’Ouest sur le sable.
Il appréhende la peinture au niveau de l’espace et de l’architecture, se détournant de la peinture de chevalet.
Pollock s’éloigne aussi des outils traditionnels : il utilise le pinceau comme un bâton, faisant penser en cela à Matisse dessinant avec un immense pinceau les figures de la chapelle de Vence. Cela avec toutes sortes de peintures et des éléments étrangers tels que le sable, le verre ou la peinture très liquide.

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Pollock, c’est la figure tutélaire de l’Action-painting comme Kandinsky le fut pour l’abstraction à partir de 1910. Il est un commencement.
On peut citer également, Gorky, Gottlieb, de Kooning, Franz Kline, Motherwell ou Ad Reinhardt.

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La couleur dans l’art chinois

(Cet article se rapporte à une suite de  publications précédentes au sujet de la couleur dans l’art.)

          Telle  bannière chinoise de soie peinte est significative de la signification de la couleur dans l’art chinois. Les couleurs en présence sont :
la première couleur est le noir  (le yin). C’est le noir de calcination de la résine du pin qui est lié à de la colle.
les autres couleurs sont le rouge vermillon, le bleu indigo, l’ocre rouge, le jaune gomme-gutte, le blanc d’huître et de la poudre d’argent.

Ces couleurs exaltent la vitalité, les forces d’un univers fondé sur l’alternance des principes complémentaires :
le sombre ou Yin et l’éclatant ou Yang. L’ombre et la lumière.

502px-Chou_Fang_001-copie-1Femmes jouant au double sixes, par Zhou Fang (730-800 Av. J.-C.), Chine.

« Yin  et Yang n’existent que que l’un par l’autre, l’un dans l’autre. »

Le Rouge (le Yang) et le Noir (Yin) exaltent les vitalités.
Des laques découvertes par centaines du temps des Han, des objets du quotidien, liés au banquet, au jeu ou à la toilette opposent et associent le Noir (Yin) et le rouge (Yang)
De même les peintures murales des tombes des Han opposent et réunissent les époux dans des scènes de banquet. La femme est vêtue de noir (le yin, l’ombre) et l’homme de rouge (le yang, la lumière).
En général le noir est réservé à la vie quotidienne et le rouge est attribué aux divinités et êtres extraordinaires  du monde d’en haut.
Rouge et noir profond, assemblés forment une couleur sombre le Xuan.
Cette couleur sombre désigne l’origine du monde : son opposé est la terre de couleur jaune.


Dans l’art chinois des correspondances sont établies entre les 4 saisons et la saison du cœur de l’été, entre les points cardinaux et le centre, les couleurs, les odeurs, les saveurs, les astres et les planètes, les parties du corps humain, les qualités et les sentiments.


Un principe cosmique des correspondances est permanent dans l’art chinois.

C’est pourquoi 5 couleurs servent à peindre :

– Hei, le noir convient à l’hiver

– Chi le rouge couleur du cinabre convient à l’été ( la couleur du feu)

Bai, le blanc convient à l’automne.

Huang, le jaune se rapporte à toute saison intermédiaire.

– Qing, le bleu vert, c’est le printemps : c’est la couleur de la nature, du ciel azuré, de la mer, et de la montagne au loin. Gamme chromatique large du glauque verdâtre au bleu acier.

 Ces couleurs ont un usage déterminé : le jaune clair est réservé à l’empereur et aussi le bleu ciel, le rouge et le blanc.

Au début du 15ème les Ming aménagent la Cité Interdite pourpre. Son plan repose sur les 5 éléments :

Bleu vert pour l’est
Blanc pour l’ouest
Terre noire pour le Nord
Terre rouge pour le sud
Terre jaune au centre

De même on se conforme à le théorie des 5 éléments dans les tuiles et éléments décoratifs en terre cuite.


L’art chinois valorise les matériaux et les métaux de base, produits du cosmos, envisagés dans leurs transformations.
– Le plus important est le Cinabre, sulfure de mercure dont la préparation est la quête des alchimistes chinois. Par le feu le cinabre se transforme en mercure et à nouveau en cinabre, du rouge au blanc et inversement.
Le cinabre est utilisé dans les fonds des laques et il évoque la fortune heureuse, la joie et le mariage.

– On travaille les métaux, le bronze et l’or qui est symbole de perfection : le corps du bouddha est en or ou recouvert de feuilles d’or, au delà de toutes les couleurs..
L’or assure la longue vie : la vaisselle de l’empereur est en or.

– Les bronzes séduisent surtout par les variations possibles des couleurs. on est séduit par les patines dues aux réactions du métal aux sels minéraux du sol : cette patine peut être rouge, verte ou bleue.

– Enfin le Jade a une grande importance pour l’art chinois. C’est une pierre noble, magique et religieuse. C’est la pierre de l’immortalité et elle attire par ses formes, par sa sonorité, par la sensualité de sa texture et de ses couleurs. Sa coloration varie selon les éléments du sol qui l’entoure et elle peut être modifiée par l’eau.
(L’âge d’or du Jade est sous les Qing et on met en valeur les marbrures, on accentue les couleurs, on les traite en chauffant ou bien on leur incruste des paillettes de cuivre.)

774px-Ch-iu_Ying_001Un matin d’automne dans le palais Han, par le peintre Qiu Ying, sous la dynastie Ming.

L’art chinois de la couleur va essayer de reproduire les teintes variables du jade.
La peinture classique va suivre ce chemin et évoquer le Yin et le Yang avec l’art du cinabre et du bleu-vert tels qu’on peut le rencontrer dans certain paysages.
La perspective est exprimée par des dégradés du vert au bleu..
On oppose des paysages très colorés à des paysages aux couleurs douces ou monochromes à l’encre. Il faut dire que les peintres chinois ont exploré toutes les vertus colorées de l’encre et toutes ses nuances de matière. Ils pratiquent la technique du dégradé opposée à la manière de l’encre qui coule en masse colorée profonde.
Encrage violent ou lavis légers, c’est une grande tradition lettrée de la peinture, à méditer.

chao_g001Paysage par Zhao MengFu (1254-1322)

Ces diverses considérations sur la couleur dans l’art chinois et sa pratique sont très parlantes et incitent le peintre à la méditation sur la matière et le corps de la couleur liée au cosmos et aux significations symboliques.

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du Camaïeu au Monochrome

Image à la une : Panneau e Tempera en grisaille de R. Dumoux – 2015 – ©viapictura.com


Dans un article précédent il a été question du coloris et de sa pratique au 15ème siècle.
A cette époque un autre aspect de la couleur a été très pratiqué : le camaïeu, technique très raffinée que l’on nomme aussi grisaille. Dans mon travail (site www.viapictura.com), certains panneaux a tempéra sont ainsi traités.

Dumoux_grisaille« l’Asie » (détail) – Tempera sur panneau en grisaille – 80 x 60 cm – Raymond Dumoux

 Dans ce procédé, il s’agit en règle générale d’utiliser des nuances de blanc, de noir et de dégradés avec parfois des rehauts de couleur.

Cette technique a été employée pour la 1ère fois par Giotto (chapelle des Scrovegni). L’ocre et la terre verte sont les pigments monochromes dominants.

–  Cette technique de grisaille a connu un grand succès aux 14 et 15ème siècle et avec beaucoup d’élégance dans la ligne.
– Alberti dit que dans l’antiquité Polygnote n’utilisait que quatre couleurs et Aglaophon, une seule.
–  La grisaille est utilisée au 15ème dans les Flandres pour simuler les architectures sculptées (les revers de volets des retables) La grisaille prend alors une grande puissance illusionniste.
– Enfin les petits tableaux peints a tempéra de Mantegna sont comme des substituts de reliefs peints et ils rivalisent avec les monochromes perdus de la Grèce antique


L’émergence du monochrome au 20ème siècle.

En peinture le monochrome est continuellement une question sous jacente.

Très présent dans l’histoire de la peinture de l’antiquité à la Renaissance, sous le forme de grisailles, le monochrome se manifeste plus radicalement au 20ème siècle avec l’abstraction qui écarte la figuration.

L’émergence du monochrome est peut être la grande nouveauté du 20ème siècle pour la couleur.
C’est l’abstraction qui en supprimant le sujet, fait de la couleur le thème du tableau.
Chaque monochrome a ses motifs, ses dimensions, sa trame plus ou moins lisse ou visible.

Au 20ème siècle les premiers artistes s’approchant du monochrome furent:

– Casimir Malevitch et son carré blanc sur fond blanc où seule l’inflexion de la touche permet de discerner la contour du carré.

 blanc_carre_malevitchCasimir Malevitch « Carré blanc sur fond blanc »

Rodtchenko qui en 1921 produisit 3 toiles monochromes recouvertes d’une couleur unie. Il va montrer la couleur pure (et ensuite abandonner la peinture).

Autres artistes importants :
Wladislas Strzeminsky. Vers 1928, il il va créer des tableaux unistes (qui répètent des trames et des lignes de façon uniforme) et il est à l’origine d’ un mouvement en Pologne: l’unisme.
– Parmi les œuvres de Miro, il faut citer les monochromes bleus, avec une petite touche de couleur sur un fond immense.

La deuxième partie du 20ème parvient au monochrome véritable et il y a toute une lignée de peintres pour qui le monochrome annonce la fin de la peinture comme lieu de narration.

Ainsi on remarque une simplicité chromatique absolue dans les œuvres de :
Ad Reinhardt, Ryman, Fontana, Yves Klein, Manzoni.

Cette exigence chromatique continuera de préoccuper :

David Simpson créé des carrés recouverts d’une pellicule irridescente du vert au violet.
Caroll se sert de vieux draps qu’il revêt de blanc uniforme
– Ettore Spaletti enduit des colonnes et tableaux en les enduisant de pigments blancs, rose pâle ou bleu pâle… les couleurs du matin.
– En particulier, James Turrell, créé la lumière couleur, c’est à dire des plans de lumière qui donnent l’impression de se trouver devant une surface infranchissable.
Anish Kapoor fait réapparaître la couleur pigment et, par exemple, la couleur bleue reste évocatrice d’expériences spirituelles.

kapoor.thumbnailAnish Kapoor

La couleur pigment du monochrome relève de la poussière, se mélange à la poussière.
La poussière est un thème de réflexion important (à l’opposé des œuvres minimales ou pop à l’aspect aseptisé qui nie la poussière)

En Art il y a une multiplication des monochromes gris.
Outre l’élevage de poussière de Duchamp photographié par Man Ray en 1920, il faut enfin citer les gris illustres de Richter, Brice Marden, Morris, Charlton, A. Martin  ou Artschwager.


Il semble que la voie reste ouverte en peinture pour de nouveaux aspects du monochrome et la figuration expansive et narrative ne me semble pas en contradiction avec l’idée du monochrome.

Dans les deux cas il ne s’agit que de la question de la peinture.

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La couleur dans la peinture byzantine

Image à la une : Angelos Akotantos. La Vierge Cardiotissa (1400-1450). Tempera et or sur bois, 121 × 96,5 cm, Musée byzantin et chrétien d’Athènes.


Dans l’art byzantin, la graphie vient en premier lieu : ce sont des concepts, des images (non faites de main d’homme).

C’est le dessin qui fixe les traits des figures sacrées et met en relation le visible avec l’invisible.

En second lieu, la dominante colorée dans l’art byzantin est l’or.


L’or est l’équivalent de la transcendance : le fond d’or des mosaïques byzantines du 6ème au 13ème siècle, noie les personnages dans cet espace.

C’est un monde différent du nôtre, la transcendance.
(Pour la graphie, l’art byzantin utilise l’abstraction des formes pour sublimer. Il  introduit le nimbe et l’auréole.)

La graphie ne suffit pas pour que la figure exprime la sainteté.
C’est  le rayonnement doré du fond qui créé l’illusion d’une émanation lumineuse venant de la présence des saints.

Telle Vierge à l’enfant se détache sur un vaste fond d’or. Pour rendre l’or du fond plus lumineux on y a inséré des tesselles blanches et jaune très clair qui ajoutent de l’éclat aux fonds étincelants.

L’enfant tout d’or vêtu est entouré par le marphorion sombre de Marie, ce qui constitue le point focal de l’abside, qui rayonne et attire immédiatement le regard.
L’or pénètre aussi à l’intérieur des personnages dans les vêtements ce qui les dématérialise.

L’espace d’or est en liaison avec les personnages et ce fond d’or abolit toute référence spatio-temporelle.

L’or attribue une transcendance et il introduit un concept de sainteté et de gloire.
L’or a un rôle transfigurant et il dématérialise les figures qui n’ont pas de modelé.
L’or signifie la lumière divine répandue dans l’infini… un attribut divin.


Depuis l’Antiquité, le traité de l’âme d’Aristote dit que Dieu est lumière et source de lumière.
Que la lumière est en contact avec le non-matériel, qu’elle est un réceptacle de l’esprit.
L’influence de la pensée philosophique de la Grèce antique sur les Pères de l’Église est incontestable.

Les considérations d’Aristote sont déjà une démarche mystique et ont beaucoup influencé les byzantins dans leur démarche mystique.

Ce système de représentation s’applique aussi aux objets de culte. Dans les icônes le ciel et la terre se confondent comme le passé le présent et le futur.
Dans les peintures, l’or pénètre les personnages. L’or se répand sur toute la surface du champ pictural, y compris dans les images métalliques et dans les reliures.
Dans les objets, l’or est palpable pour confirmer la réalité du ciel.

                 Les Byzantins étaient les maîtres incontestés de la technique de l’or.


Autres couleurs mises en œuvre dans la peinture byzantine :

– le blanc associé à l’or (obligatoire pour les vêtements du Christ)
– le bleu de cobalt utilisé pour le marphorion de la Vierge.
– le pourpre foncé couleur de la royauté, utilisé aussi pour le marphorion.
– L’ocre, le violet, le vert foncé, le rose, ont aussi une importance dans les mosaïques.

La dominante colorée de l’or dans l’art byzantin constitue une inspiration profonde pour une part de mon travail.
Bien que que n’utilisant  que peu l’or,  les procédés plastiques de la tempéra me permettent de parvenir à un équivalent de lumière dorée rayonnant de certaines compositions, des fonds comme des éléments représentatifs.

Cette équivalence picturale est obtenue grâce à la transparence des couches colorées mais aussi par la luminosité intrinsèque des encollages qui restituent la lumière et enveloppent le spectateur d’une émanation immatérielle. (particulièrement sensible dans les grandes surfaces, telles les toiles de 5 mètres)

ExpoR.DUMOUX-6« Constantin et le pont Milvius » – détail de la toile de 5 mètres x 3 m – tempera sur toile – R. Dumoux

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Les cathédrales étaient-elles blanches ?

Image à la une : « Le temps des Cahédrale » – Tempera sur toile, 5 mètres x 3 . R. Dumoux -©viaoictura.com


 Les cathédrales du Moyen Age étaient-elles blanches?

Cet article sur les cathédrales s’inscrit dans une suite de propos et de réflexions sur la couleur dans l’art et inspirés d’un ouvrage de Mazenot.
Il est en rapport avec ma toile  de 5 mètres x 3 sur « le temps des cathédrales. » (Voir « ensemble monumental peint » sur le site viapictura.com)

Paradoxe que de parler de la blancheur des cathédrales alors qu’on les imagine multicolores et que le public de maintenant est fervent des spectacles de lumières colorées sur les façades de nos cathédrales.


Cependant vers 1937, Le Corbusier publie après la Ville Radieuse: « Quand les cathédrales étaient blanches » et il fait un topos de la Renaissance architecturale après l’an mil.

Il écrit : « les cathédrales étaient blanches parce qu’elles étaient neuves comme les villes étaient neuves, à cause de la pierre de France, éclatante de blancheur. Un monde nouveau commençait. »
« Les églises étaient blanches et jeunes contrairement à noires et vieilles »
(De même au 19ème siècle la remise à neuf des édifices a supprimé les noirceurs et la polychromie architecturale pour plus de blancheur et de pureté.)


Autre grande figure qui s’est exprimé au sujet de la blancheur des cathédrales: le moine bourguignon, Raoul Glaber.  (985- 1044)

Un texte de Glaber souvent cité est intéressant à noter :
« Comme on approchait de la troisième année de l’an mil, on vit sur toute la terre, en Italie, en Gaule, les édifices existants se rénover. C’est comme si le monde se fut secoué pour revêtir de toute part une robe blanche d’églises. Et alors on se mit à rénover presque toutes les églises et même les petits oratoires de village. »

A ce moment l’Italie et la Gaule sont les épicentres d’un réveil. (c’est un renouveau qui correspond à la mort d’Othon III et l’avènement de Henri II prince saxon.)

Après les carolingiens et l’époque ottonienne de tradition constructive (comme on l’a vu précédemment pour la toile à propos de Charlemagne) il s’agit de l’émergence d’un style nouveau édifiant cathédrales, églises et chapelles.

Glaber observe cela en bourgogne avec l’abbé de St Bénigne de Dijon et Odilon abbé de Cluny, ces lieux étant, il faut le redire, le territoire d’élaboration du 1er style roman.
L’expansion de l‘ordre de Cluny va engendrer une trame serrée de robes blanches.

Dans ce texte de Glaber, c’est la robe qui est blanche, d’un blanc éblouissant. C’est une belle métaphore  avec aussi l’idée de pureté qu’elle suggère. (candidus veut dire blanc éblouissant)

Le propos de Glaber n’est pas de décrire une blancheur superficielle mais de témoigner de la splendeur formelle intérieure et extérieure.
Il s’agit d’églises non pas blanches mais resplendissantes de décorations luxueuses.


 Le décor contribue à la splendeur de la main de Dieu. L’édifice est un espace qui inspire une crainte, un espace réservé à l’esprit où le ciel et la terre se rencontrent.
Fresques, mosaïques et marbres précieux sont très présents et riches.
Les objets de culte ont un rôle important : calices, patènes, reliures de livres, devant d’autel et reliquaire en matières précieuses et gemmes colorés. Tous ces objets précieux suscitent l’admiration des fidèles et on leur attribue parfois une origine miraculeuse.

C’est le cas du très célèbre livre de Kells  dont on dit qu’il a été composé sous la dictée d’un ange (à l’époque de Brigitte). Le livre de Kells renferme les canons des 4 évangiles. Il présente presque autant de figures que de pages et avec une grande variété de coloris. Il présente des trames si délicates, si entrelacées et de couleurs si lumineuses qu’on peut dire qu’elles ont été créées non par les hommes mais par des anges.

kells1« Le livre de Kells »

Toute cette subtilité disparue de la peinture est, dit-on, maintenant obsolète et toute pratique dans ce sens se trouve maintenant condamnée par les corps constitués faisant autorité.

Tout cela atteste d’un sens profond de la couleur au Moyen Age.
Ces ornements, objets ou livres ont un rôle fondamental : ils captent la lumière, symbole de la puissance surnaturelle.
D’autre part la perception de l’espace est liée aux agencements de l’éclairage.
(Eclairage naturel par les vitraux et artificiel par les candélabres et luminaires.)


Pour conclure cet article il est important de parler de la lumière et du vitrail.
La lumière est un symbole important dans toutes les religions et au Moyen Age, elle  est un élément fondateur, exprimant une réalité métaphysique.

Le vitrail va prendre une grande importance dans l’architecture.

Vers 1150 , l’abbé Suger décide de reconstruire la basilique royale de St Denis. Un nouveau style va naître, inspiré du philosophe grec, Denys l’Aéropagite sur la théophanie lumineuse.
Suger, contrairement à St Bernard, exalte la la valeur du décor à la gloire de Dieu et il parle de pierres précieuses et des vases d’or.

En particulier, les vitraux sont très présents : ils  se substituent au mur et transforme l’espace sacré en écrin transparent et coloré recevant le message évangélique.
(L’usage du verre était déjà présent à Constantinople et aussi on avait déjà utilisé des dalles de verre dans un châssis en bois.)
Mais maintenant l’originalité du vitrail réside dans le réseau des baguettes de plomb qui sertissent les verres comme un émail  cloisonné. Ce procédé de sertissage serait apparu à l’époque carolingienne pour s’affirmer au 11ème et 12ème siècle en France et en Allemagne avec de grands chefs-d’œuvre.

anno12Vitrail de la Basilique de Saint-Denis

Suger va confier au vitrail un grand rôle, celui de la théologie de la lumière. Les vitraux de St-Denis présentent un grand choix de motifs de l’Ancien au Nouveau Testament.
Pour Suger, l’espace sacré est un lieu vivement coloré, avec des gemmes, des émaux et éloquent par les vitraux.
St Denis (1140-1150) c’est le début de l’ère du vitrail. Après ce sera Chartres.

Les cathédrales du Moyen Age étaient-elles blanches?
Il ne s’agit pas de la blancheur matérielle mais d’un rayonnement intense de la multitude colorée, symbole de la lumière divine.

Ainsi, dans mon tableau de 5 mètres x 3 sur le temps des cathédrales, l’édifice central est resplendissant des couleurs du spectre et il irradie de lumière spirituelle.

R. Dumoux
www.viapictura.com

La couleur au 15ème siècle

Image à la une : Frères Limbourg – Très Riches Heures du duc de Berry – mois de mai


 

Dans l’article précédent il a été question d’une de mes toiles de l’été et le problème de la technique picturale a été abordé en rapport avec le métier des maîtres du quattrocento.

Dans cette perspective, il est intéressant de voir les divers aspects de la couleur au 15ème siècle.


Trois traditions picturales sont mises en pratique :
– l’enluminure, la fresque, et la peinture sur panneau et …


– L’enluminure.

Les peintres nordiques de Marmion à Fouquet pratiquaient l’enluminure. (et la peinture sur panneau.)
Le travail des miniatures était parcellisé dans divers ateliers : le travail du dessin se passait dans un atelier et le travail de la couleur dans un autre et les livres copiés dans un monastère sont enluminés dans un atelier laïc.
Il y avait des spécialistes pour les bordures, pour les lettres et la calligraphie et d’autres pour la représentation des scènes importantes. Certains ne travaillaient que les  » champeignes » c’est à dire les arrières plans de paysages.

Parfois les miniatures étaient intégrées dans les manuscrits après coup et la question de l’unité de style ne s’imposait pas.
Souvent ces manuscrits étaient très importants comme les Très Riches heures des frères de Limbourg ou bien les Heures du Maréchal de Boucicaut.  Ou bien encore les célèbres enluminures de Jean Colombe. (exposées jusqu’au 30 Septembre 2007 à la Médiathèque de Troyes)

naf_24920_012Histoire de la destruction de Troie (Destructio Trojae)
Enluminure par l’atelier de Jean Colombe. Vers 1495-1500
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     http://www.enluminures.culture.fr/


La peinture murale.

Au Nord cette peinture était exécutée sur le mur en mélangeant les pigments à la chaux ou bien aussi en utilisant l’huile comme liant.

En Italie on utilise une nouvelle technique, celle de la fresque : le mur est recouvert d’une ébauche générale, sur un enduit grossier, l‘ariccio, puis chaque jour une partie est recouverte d’un enduit frais, fin et transparent, l‘intonaco. Par transparence et à partir de l’ébauche, le dessin est exécuté avec plus de précision et dans tous les détails. Enfin ce sera la mise en couleur à l’aide des pigments mêlés à la chaux et simplement dilués à l’eau.
On pouvait ensuite exécuter ou rehausser à tempéra à l’oeuf certaines parties ou détails.
En général cette technique était très rigoureuse et logique dans ses étapes.


La peinture sur panneau ou sur toile.

Nous avons vu que Cennini considère qu’il faut bien la maîtriser.
Outre les caractéristiques de métier dont nous avons parlé dans un article précédent, cette pratique met en valeur un certain nombre de données plastiques.

Les traités d’art italien mettent l’accent sur l’importance du relief, de la profondeur et de la simulation du volume. Léonard travaille dans ce sens: il traite les ombres et les lumières  et son désir de donner du relief le conduit à des noirs de plus en plus profonds.
D’autre part l’imitation de la nature est le fondement de l’art du 15ème. On recherche la simulation naturaliste par la perspective géométrique et aussi aérienne.

(A noter cependant que c’est le dessin plus que la couleur qui concrétise l’habileté de l’artiste, la couleur ne venant se poser qu’après coup sur le dessin bien défini sur le mur ou la toile.
Alberti parle surtout de la théorie du dessin. Léonard n’appréciait pas beaucoup ceux qui se préoccupaient plus de la couleur que du dessin.
Vasari va définir Florence comme école du disegno et rejeter la couleur Vénitienne.
La couleur à Florence est accessoire, elle n’est qu’ornement.)

La couleur imite la nature et la lumière est importante pour le rendu de la couleur.

C’est au 14ème siècle en Italie qu’objets et figures sont représentés pour la 1ère fois avec des ombres portées. Alberti et Léonard comprennent que la lumière modifie les couleurs.

A la différence d’Aristote pour qui il n’existait que le noir et le blanc, Alberti affirme que les couleurs primaires sont au nombre de 4 : le rouge, le bleu, le vert et le gris, couleur cendre de la terre. En ajoutant le blanc et le noir, il est possible d’obtenir de nombreuses nuances.


Cependant, le peintre du 15ème est conscient de la présence de deux mondes : le monde terrestre avec la réalité de la couleur et du dessin et le monde céleste au dessus plus abstrait et d’or.

L‘usage du fond d’or pour la voûte  céleste remonte à l’époque byzantine et va durer tout le 15ème. Ces fonds d’or sont décorés incisés ou poinçonnés.
La luminosité et le rayonnement de l’or sont un outil poétique suggérant l’immanence de la divinité.
Les rehauts d’or continuent de faire partie du répertoire artistique jusqu’à la fin du 15ème siècle et les auréoles dorées persistent. Cependant peu à peu elles vont diminuer jusqu’au simple cercle d’or et enfin disparaître au profit du naturalisme.

L’or était posé en feuilles mais aussi en poudre comme une couleur.
Les rehauts d’or sont inspirés de l’enluminure et ils sont apparus pour la 1ère fois dans la peinture de Gentile da Fabriano vers 1400.

( Il faudrait enfin évoquer la question de la technique de l’huile et en particulier celle des frères Van Eyck : cette question  pourra constituer un article particulier.)


Les pigments au 15ème siècle.

Pour conclure enfin, voici une énumération des pigments utilisés au 15 ème siècle.

L’artiste disposait de 7 couleurs naturelles :

4 terres : le noir, le rouge, le jaune, le vert,

3 autres couleurs le blanc, le bleu, le giallino (jaune de plomb) ; les terres d’ombre viendront ensuite.

Cennini considère que les peintres devaient broyer leurs couleurs. Cependant il existe déjà des couleurs frelatées, toutes prêtes. Ce qui se généralisera à la fin du 19ème siècle avec l’usage des tubes.

(Dans un autre article il sera bien de parler de ces couleurs et de leur origine minérale ou métallique.)

Toutes ces considérations sont laborieuses et parfois décourageantes à lire, mais elles sont à la base du métier de la peinture et elles sont garantes de la liberté de la poésie et de la création picturale.

R.Dumoux
www.viapictura.com